"Imaginez que vous vous donnez soudain le droit d'être furieusement heureux. Oui, imaginez une seconde que vous n'êtes plus l'otage de vos peurs, que vous acceptez les vertiges de vos contradictions. Imaginez que vos désirs gouvernent désormais votre existence, que vous avez réappris à jouer, à vous couler dans l'instant présent. Imaginez que vous savez tout a coup être léger sans être jamais frivole. Imaginez que vous êtes résolument libre, que vous avez rompu avec le rôle asphyxiant que vous croyez devoir vous imposer en société. Vous avez quitté toute crainte d'être jugé. Imaginez que votre besoin de faire vivre tous les personnages imprévisibles qui sommeillent en vous soit enfin à l'ordre du jour. Imaginez que votre capacité d'émerveillement soit intacte, qu'un appétit tout neuf, virulent, éveille en vous mille désirs engourdis et autant d'espérances inassouvies. Imaginez que vous allez devenir assez sage pour être enfin imprudent.

Imaginez que la traversée de vos gouffres en vous inspire plus que de la joie. C'était tout cela être le Zubial."

Alexandre Jardin, Le Zubial

2.6.17

Chic odeur

Le TGV doit être pour moi une sorte de 3ème dimension, mon triangle des Bermudes, où il ne m'arrive que des choses improbables. Et encore je ne vous ai pas raconté la fois où une jeune femme (à laquelle je n'avais rien demandé) m'a raconté sa vie pendant tout le trajet, un mélange de Rémi sans famille, princesse Sarah, les misérables et Germinal ; ni la fois où seule dans la voiture de 1ère avec un WASP façon bourgeoisie lyonnaise, il a absolument voulu me parler pendant la fin du trajet en me dévorant des yeux et m'a embrassée sur la bouche (sans que je l'y ai autorisé, soyons clairs) en arrivant à quai avant de se sauver à toute vitesse, me laissant coite. Et j'en oublie.

Je disais donc que le TGV est décidément pour moi le lieu de toutes les rencontres, plus ou moins intéressantes, plus ou moins surprenantes, mais toujours intenses visiblement.

Tout comme cette dernière fois où une odeur, que je perçus au moment une élégante dame s'assit en face de moi, me saisit de façon embarrassante.
Il se trouve que j'ai l'odorat très sensible, au point que je peux détecter à un mètre celui qui a bu le moindre le verre d'alcool (si je suis sobre), a fumé la moindre cigarette (si nous ne sommes pas dans un lieu enfumé) et a oublié de se brosser les dents, si je suis face à lui.
Un odorat digne d'un cochon truffier vous disais-je donc (voire d'une cochonne amatrice de glands, dirait mon médisant ex-époux), qui tolère difficilement les aisselles adolescentes en mode vacances et plus mal encore les voisins fumeurs qui pensent que l'air ne circule pas.

Aussi, quand dame l'élégante, avec son joli haut, son joli sourire et ses jolies mèches Franck Provost s'est assise en face de moi, ce ne fut pas : « le poids des mots, le choc des photos », mais plutôt "comment est-ce possible de sentir l'égout à ce point et de continuer de sourire comme si de rien n'était ???"
Pour être tout à fait franche, j'ai d'abord soupçonné le voisin de derrière, portant un tee-shirt acrylique que j'aurais pu incriminer, mais plus les secondes passaient (plus lentement que d'habitude me semble t-il, « ô longue agonie »), plus je réalisais que la fautive ne pouvait être que la souriante et fétide ménagère de moins de 50 ans chic assise en face de moi.

Étant déjà très fatiguée par mon périple parisien, je n'avais que moyennent envie d'empirer mon mal de tête en m'infligeant l'épreuve de passer 2 heures à respirer son fumet. Et pourtant j'avais expérimenté le métro parisien aux heures de pointe par des journées de grande chaleur, alors autant dire que rien ne m'effrayait, mais là c'était de l'odeur putride de compétition. Aussi, sans aucun tact, j'ai plié mes affaires et me suis repliée loin derrière dans la voiture pour m'installer sur un siège libre.

En me levant j'ai entendu la dame dire aux deux jeunes filles qui se trouvaient dans la rangée d'à côté d'une voix amusée : « je sens bien qu'il y a un problème... je sais que je sens mauvais ».
J'étais stupéfaite. Peut-être cette pauvre femme était-elle atteinte de triméthylaminurie, mais je n'ai pas la compassion olfactive, même s'il m'est arrivé à moi aussi de faire de mauvais choix vestimentaires que ma peau ne tolérait pas.

Ce qui m'a le plus étonnée c'est que cette dame semblait véritablement satisfaite de sentir mauvais. Elle ne semblait pas le moins du monde gênée, c'était presque comme si elle l'avait fait exprès pour une caméra cachée ou pour relever les réactions des autres voyageurs afin de répondre à une étude sociologique sur la résistance olfactive des usagers de la SNCF.

A vous je peux le dire, j'ai peur de retourner dans le TGV...

2 commentaires:

dany a dit…

comme je te comprends Quand même étrange la dame!!!!!!

Névrosia a dit…

Dany :
Oui, très.